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Les casseroles du gouvernement
19 octobre 2011

Squarcini et la Corse

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Le 4 juillet 2003. Yvan Colonna est arrêté près de Porto-Pollo, dans le sud de la Corse. Bernard Squarcini a débarqué sur l'île une semaine plus tôt. Alors que celui qui n'est encore que le "numéro deux" des Renseignements généraux (RG) pose le pied sur le port de Propriano – son remuant setter ne voyage pas en avion –, son téléphone sonne. "Ça bouge !" lâche Jean-Louis Fiamenghi, le patron du RAID."OK, répond "Squarce", je vais poser les valoches."

A la base navale d'Aspretto, il identifie le fugitif sur une photo prise au téléobjectif. Puis… regagne tranquillement son village de la plaine ajaccienne. En planque près de la bergerie où Yvan Colonna a trouvé refuge, Jean-Louis Fiamenghi et François Casanova, le policier qui a trouvé la trace de l'homme en cavale, veillent. Deux Corses à lui sur le terrain, c'est assez pour Bernard Squarcini.

 

Dans le dispositif plutôt secret qui est le sien, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a donné à la Corse une place bien particulière. Pas un hasard si, le matin, à Levallois (Hauts-de-Seine), au siège de la DCRI, il entame sa lecture de la presse par les pages nécrologiques de Corse-Matin.

L'île est à la fois, pour cet homme solitaire, un vivier de limiers, son laboratoire, et… son écrin. C'est là que le patron du contre-espionnage français "fait briller", comme disent les policiers : sur la terrasse d'un hôtel de Porto-Vecchio ou les pieds dans le sable de la plage d'Argent, là où le préfet Bernard Bonnet avait donné l'ordre debrûler une paillote, il reçoit, hors saison et hors week-end, la crème de ses homologues du renseignement européen et maghrébin.

Bernard Squarcini aime emmener ses huiles policières visiter l'île, sous haute surveillance mais en toute discrétion. Peut-être y voit-il aussi l'occasion de passerun message : quoique corse lui-même, et à un poste particulièrement exposé, il est"chez lui" partout, sans crainte.

"CHIEN DE CHASSE"

"Vous avez un nom en “i”, ça plaira à Pasqua", avait lancé Yves Bertrand à Bernard Squarcini, en 1994, pour le convaincre de devenir son second aux RG. Le patron du renseignement français a ceci de commun avec "Charles", son compatriote passé Place Beauvau, d'aimer s'entourer d'insulaires. "Les Corses, ils sont solides, ils ont fait l'administration coloniale", explique Bernard Squarcini, né en 1955 à Rabat, où son père travaillait pour la police chérifienne, puis élevé près du commissariat de Constantine jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, en 1962.

Eternel clanisme ? "Les Corses sont fidèles", élude celui qui, partie civile au procès Clearstream, parce que son nom figurait sur le faux listing aux côtés de la chanteuse ajaccienne Alizée ou de Laetitia Casta, évoqua à la barre un "racisme anticorse" au sommet de l'Etat. Soupir. "Et puis, que voulez-vous ? Les “Corsicos”, ils vous ramènent des truffes."

Son "meilleur chien de chasse", c'était François Casanova, spécialiste de l'infiltration dans les milieux islamistes des banlieues et grand "secoueur" d'indics insulaires, comme on dit dans la police, et aujourd'hui décédé. "Un bosseur fou, corvéable à merci, le roi de la magouille, raconte un intime du défunt. Il parlait corse comme une châtaigneraie et roulait tous les chefs nationalistes dans la farine." Si Bernard Squarcini va se recueillir chaque année sur sa tombe, en Corse-du-Sud, c'est qu'il sait ce qu'il lui doit.

D'autres compatriotes, venus des RG, parfois à la retraite, restent prêts à lui rendretous les services. Ainsi Didier Vallée, à Ajaccio. Cet ex-brigadier des RG est devenu l'une des têtes de pont de Veolia à la SNCM, cette société de transport maritime qui a fait entrer le géant de l'eau dans son capital, avec la bénédiction de "Squarce". Décoré par ce dernier de l'ordre national du Mérite en 2007, le policier est extrêmement présent – "pour de l'humanitaire", assure-t-il – en Afrique de l'Ouest, dans le sillage des casinotiers.

Les protégés du "boss" n'ont pas toujours bonne presse. Ainsi de Christian Orsatelli, analyste à la DCRI et spécialiste du "séparatisme corse" à Paris, mais très mal vu au commissariat de Bastia. On s'y est agacé de voir ce collègue parisien se mêler de tout.

Autre fidèle de Bernard Squarcini en difficulté, Eric Battesti. Le patron de la DCRI tient cet ancien directeur régional des RG en Corse pour l'un des meilleurs connaisseurs du milieu nationaliste et du grand banditisme. Las ! A la suite d'obscures embrouilles entre deux bandes ajacciennes qui s'affrontent mortellement depuis quatre ans, ce fidèle accusé de propager de fausses rumeurs (des "poussettes", comme on dit dans le jargon policier) a dû être "exfiltré" à Londres. Mais, à l'ambassade de France, Eric Battesti sert encore le "patron" : il coordonne la lutte antiterroriste avec les autorités britanniques.

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